vendredi 20 mars 2020

#BalanceTonCoiffeur

#MeToo #BalanceTonPorc
On se souvient tous de ces nombreuses histoires qui défrayaient la chronique en 2017, des situations ambiguës, des attouchements, des viols. Comme pour beaucoup d'entre nous, j'ai été horrifié par quelques témoignages. J'ai repensé aussi à mon vécu. Cela fait maintenant plus de deux ans que je veux écrire cet article. C'est finalement un autre malheur, celui du confinement imposé pour lutter contre le coronavirus, qui m'aura donné l'opportunité de le faire.


Je ne suis pas une femme, je n'ai pas été violé, mais j'ai connu une relation malsaine avec un employeur. J'avais commencé à travailler dans un salon de coiffure, depuis à peine quelques jours, que je me suis retrouvé en soirée avec l'équipe (des gens sympa et accueillants). Nous nous amusions, buvions, profitions du moment. C'est, furtivement, lorsque j'étais sur le canapé et une collègue à la vaisselle, que mon patron s'est tourné vers moi pour essayer de m'embrasser. Je n'ai pas fait de scandale et me suis contenté de détourner la tête en poursuivant la soirée. L'alcool et la non-connaissance de ce genre de situation m'ont aidé à balayer instantanément cet action. Il a voulu recommencé, a insisté. Lorsque je me détournais, il me demandait si je voulais lui faire passer une mauvaise soirée.
Dans ma tète, mille réflexions se bousculaient. Je ne savais pas comment réagir face à mon nouvel employeur. J'étais en période d'essai. Allait-il me virer? Allait-il me mener la vie dure? M'empêcherait-il de travailler correctement et d'apprendre? Devais-je me lever en hurlant au scandale? Devais-je faire comme si rien ne se passait? Tout cela tournait dans ma tête aussi vite que le rhum me le permettait. A force de me poser des questions et n'étant pas un impulsif, la réponse s'est imposée par défaut: j'ai laissé passer.
Durant les jours, les semaines, les mois suivants, mon employeur me disait parfois, lorsqu'il me croisait dans un couloir, "Je vous aurais Laurent, sans courir". En y repensant, c'est d'ailleurs assez étrange de s'adresser à quelqu'un avec la distance qu'impose le vouvoiement et de lui promettre de coucher avec et de le posséder.
Cette mésaventure est celle qui se rapproche le plus, pour moi, des douloureuses histoires que nous avons pu entendre depuis 2017. Néanmoins, la pression et l'irrespect au travail ne s'exercent pas uniquement avec des attouchements ou un viol.


J'ai aussi connu l'employeur qui me faisait travailler 6 jours sur 7. Il est estimait que ma journée hebdomadaire d'école était un jour de repos. Les journées de travail duraient de 9 à 18h30, minimum, avec une demi heure dans une pièce aveugle pour manger.  Cela a duré 2 ans.

Avant la fin de mon dernier contrat d'apprentissage, par correction et pour éviter de pénaliser une collègue qui souhaitait faire un stage, j'ai prévenu mon patron 2 mois et demi à l'avance que je ne souhaitais pas rester chez lui (alors que rien ne m'y obligeait. J'aurais pu le prévenir le dernier jour). Ça a été 2 mois et demi d'enfer. Il ne me confiait plus de clients. Plus personne ne m'adressait la parole. Histoire d'être encore plus classe, après mon départ, le mépris s'est reporté sur ma sœur qui était dans la même entreprise à cette époque.

L'entretien d'embauche le plus improbable était celui avec un gars qui avait quitté le fauteuil pour s'occuper exclusivement des papiers (sûrement dû à son absence de talent plus qu'à ses capacités de gérant). Pour lui, on ne pouvait pas être bon en coupe ET bon en coloration. Ébahis, je lui expliquais que le "coupeur" doit aussi savoir faire des brushings (l'un et l'autre n'ont rien à voir). Et que le "technicien" doit maîtriser les règles de la coloration mais doit aussi savoir faire les balayages, lissages et permanentes. Chacune de ces actions est totalement différentes de l'autre. Alors pourquoi une personne pourrait connaître obligatoirement une de ces familles mais pas la seconde? Pour toute réponse, il a seulement pu dire "nous verrons le chiffre d'affaires!". Donc pour lui, être bon sous-entend faire plein de pognon. Et pourtant, dans une de ses équipes, il y avait une femme qui faisait un chiffre de dingue. Mais il ne fallait surtout pas repasser derrière ses coupes et ses brushings, à moins d'avoir le cœur bien accroché!

Je me souviens d'une responsable qui ne comprenait rien aux chiffres. Chiffres qui lui étaient d'ailleurs très mal communiqués. La direction lui transmettait, chaque mois, les chiffres de tous les employés en euro mais aussi en pourcentage. A titre d'exemple, si un mois je fais 2000 euro de coupes et 2000 euro de couleurs, j'aurais fais 50% de l'un et 50% de l'autre. Si le mois suivant, je fais toujours 2000 euro de coupes mais que j'augmente mon chiffre d'affaires de coloration à 3000 euro, alors mes pourcentages passeront à 40 et 60. Devant de telles chiffres, ma responsable me disait que j'avais réduit en coupe puisque j'étais passé de 50 à 40%.... Sotte!

Dans beaucoup de salons de coiffure (et de moins en moins aujourd'hui), une tenue est imposée pour les équipes. J'ai souvent eu un tee-shirt ou une chemise avec le logo de l'enseigne imprimé, ou des couleurs imposées (le noir en tête). Dans un salon, j'avais la chance (comme mon collègue) d'avoir la liberté de mes tenues vestimentaires, du moment que je restais dans le noir ou le blanc (classique). Mais les femmes de l'équipe devaient porter une blouse. Les femmes, mais pas les hommes! Autant cette mesure ne me concernait pas, mais elle m'a beaucoup touché.

J'ai connu le patron qui s'installe dans un fauteuil, à 15 minutes de la fermeture, pour se faire limer les ongles et qui demande aux employés (qui commencent à savourer la fin de journée) de nettoyer les plinthes, les lustres, ou je ne sais quoi d'autre d'aussi improbable.

Ma liste des employeurs qui pensent uniquement à leur petit nombril comprend aussi celui que tu dois accompagner dans les déplacement, mais bénévolement! Parce que tu comprends... il n'y a pas de budget pour toi! En revanche, pendant ces déplacements, les horaires n'avaient plus de limites.

Lorsqu'il fallait aller en formation, je me souviens de celui qui ne voulait pas donner un euro pour le trajet ou l'hôtel et retirait des congés, les jours passés.


Ma dernière perle est pour celui qui voulait que j'appose son nom sur les photos de shooting que je faisais chez moi, sur mon temps libre, à mon initiative, avec mon entourage. Il voulait s'approprier l'ensemble de mon travail artistique, comme si je lui appartenais.



A quel moment devient-on irrespectueux des personnes qu'on choisit pour travailler avec soi?


PS: pour un minimum d’anonymat (et parce que la roue tourne sans que j'ai besoin de la pousser), je n'ai cité aucun nom et ai séparé chaque situation. Pour autant, il s'agit parfois de la même personne...



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