mardi 8 mai 2012

Le Mari de la coiffeuse



Il y avait, dans notre ville, un salon situé dans un quartier calme. Un salon dans lequel on ne coiffait que les hommes et qui était tenu par une alsacienne, très belle. La belle Madame Schaeffer. Il n'y avait presque jamais personne dans son salon. Il n'était pas utile de prendre rendez-vous. Elle n'avait pas de mari. Elle avait sans doute beaucoup d'amants. Moi, j'aimais aller chez elle.

-Bonjour.

En poussant la porte, une odeur épatante envahissait mes narines. Un mélange de lotion, de laque, d'androse, de shampooing. Une odeur d'ivresse. Mais l'odeur plus extraordinaire était l'odeur de Madame Schaeffer elle-même. Cette femme était rousse. Elle avait une odeur corporelle assez forte qui, peut-être, incommodait certains clients, mais qui, moi, m'enivrait. C'était comme si son corps tout entier sentait l'amour. J'adorais ça.

-Qu'est-ce que je vais te couper?
-C'est ma mère. Elle aime que j'ai les cheveux très courts.

Le moment du shampooing était déjà un délice: Madame Schaeffer penchée sur moi, sa poitrine frôlant presque mon visage et cette odeur dont je m'imprégnais en prenant de longue inspirations silencieuses. Le soir, dans mon lit, je la respirais encore, avec cette envie vraisemblablement de la prendre dans mes bras.

-Alors, ça va l'école?
-Oui.
-Toujours bon élève? Tu as de la chance. Moi, je n'aimais pas l'école. Je détestais la sévérité. 

Un jour de juin 47, avant notre départ en vacances, il se passa quelques chose dont je devais me souvenir toute ma vie. Il faisait très chaud. Elle sentait encore meilleur.




Extrait de "Le Mari de la coiffeuse", film de Patrice Leconte (1990).
Dans cet extrait: Henry Hocking et Anne-Marie Pisani. Voix de Jean Rochefort.

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